Dixième nuit, 3 — Grange-aux-Belles

Sur la passerelle de la Grange-aux-Belles, en sortant de l’Hôtel du Nord. Je veux quelques images, pour moi, pour me souvenir, et puis pour illustrer la note. Je cherche un point de vue.

Il est là, quelques marches plus haut, avec une bouteille de bière, son pote et deux verres. Est-ce que j’ai une clope ? Un sourire. Non, malheureusement, je suis désolé.

Il ne veut pas que je dise ça. Il me serre la main, parce que je n’ai jamais commencé. Cherche ses mots. Il ne connaît pas le dictionnaire par coeur. Il m’encourage, il me félicite, parce que je n’ai jamais fumé. Il est sincère, il parle avec ses yeux et son coeur. Comment tu t’appelles ? Youssef, ou Joseph. C’est pareil. Oui, c’est pareil. Et lui c’est Karim. Salut.

Youssef, il connaît bien les gens du campement, même si lui il est hébergé. Maintenant. Il ne sait pas pourquoi, dès qu’un journaliste passe dans le coin, c’est pour sa pomme. Pourtant il ne veut pas se mettre en avant. Il ne veut pas parasiter la comm’ de l’événement… Et puis, pudique, il en a marre de raconter son parcours.

Mais moi je ne viens pas pour le boulot. Juste pour moi, juste pour voir, parce que j’habite dans le quartier. Je ne sais pas vraiment ce que je pourrais faire. À son avis, pas grand’chose. Alors je viens voir. Si je ne peux pas faire autre chose, au moins j’aurai été témoin.

Je lui parle des belles promesses selon lesquelles cela n’existera plus d’ici quelques mois. S’il veut mon avis, c’est de la foutaise. Ça le fait rire quand je dis ça.

Allez, je vais faire quelques clichés avant de rentrer.

Salut, Youssef. Merci.

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