Draguer en boîte

Pourquoi n’ai-je rien tenté samedi soir ? J’étais déjà ivre de fatigue (mais pas d’alcool, heureusement) lorsque nous sommes arrivé-e-s au Tango. Qui pour s’asseoir, papoter et picoler, qui pour observer, sur la piste de danse, mais pas si loin du bord, la foule des danseureuses qui se déhanchaient, se cherchaient, parfois se rapprochaient, s’embrassaient, au hasard des attractions extemporanées de leurs atomes crochus.

Nadia m’enjoignait de passer à l’action et de sauter illico sur quelque beau mec. Malheureusement, ce soir-là, je n’en apercevais aucun qui fût à mon goût, à l’exception peut-être d’un ou deux, trop vite perdus de vue dans la foule. Et pourquoi ne partait-elle pas, elle, à la conquête d’une demoiselle qui lui plairait ? « Oh, les filles c’est trop compliqué, tu vois, il faut leur parler pendant des heures. Vous les mecs, un regard et hop, c’est bon ! » Facile à dire.

Et puis on est allés s’asseoir avec les copains et les copines et j’ai continué de perdre mes pensées dans son regard sans oser lui dire que son charme dévastateur était, pour l’heure, le point focal de mon attention et la raison majeure pour laquelle je n’arrivais pas vraiment à m’intéresser à qui que ce soit d’autre.

J’étais perdu quelque part dans les limbes d’une rêverie éveillée, déconnecté du temps et de l’espace de la conversation, quand l’un de mes camarades m’a rappelé parmi eux : « Eh, qu’est-ce que tu attends ? Vas-y ! » Son regard me montrait une jeune fille seule, de dos, à la table d’à côté.

Bien sûr je n’en ai rien fait. Un mec qui drague une fille dans une boîte homo, ç’aurait cruellement manqué de classe. Et de toute façon je n’ai jamais su draguer en boîte.

15 réponses à “Draguer en boîte”

  1. groM a dit :

    « Un mec qui drague une fille dans une boîte homo, ç’aurait cruellement manqué de classe. »

    Non, cela aurait juste été délicieusement décalé.

  2. Melie a dit :

    « Et de toute façon je n’ai jamais su draguer en boîte. »

    Par contre aux Paris Carnet… 😉

  3. Thomas a dit :

    Hé hé. Mais ta remarque est bien plus pertinente que ce que tu crois.

    Je revendique de n’avoir jamais dragué personne à un ParisCarnet, justement. Juste laissé les affinités jouer et les rencontres se faire, en omettant délibérément tout autre objectif que celui de passer une soirée agréable. C’est peut-être pour ça que ça se passe autrement.

  4. Melie a dit :

    peut-être, effectivement. Parfois tu m’impressionnes quand tu parles Thom 🙂

  5. nico a dit :

    A propos de mecs et de filles, et à propos de bien parler… Thomas, j’ai toujours admiré ton bon usage de la langue, seulement il y a quelque chose qui me chagrine, c’est les pluriels mixtes du genre:

       "nous sommes arrivé-e-s"

    Quelle horreur ! Ça hache la lecture, c’est moche, et c’est incorrect. En Français, la rêgle, c’est que quand il y a des hommes et des filles, on marque « nous sommes arrivés ». D’écrire ça, c’est ni macho, ni anti-féministe, ni même anti-égalité des sexes !

    Par contre, « danseureuses » j’aime beaucoup, c’est très joli ! (Même si au départ je l’ai compris comme une contraction de « danseuses » et « heureuses »)

  6. groM a dit :

    Pour un amoureux du bon usage, quel hérésie en effet ! Cela ma rappelle les compte-rendus de la commission femmes …

    (à propos de bon usage, « compte-rendus », ça s’écrit bien comme ça ?)

  7. Thomas a dit :

    Nico, groM, soyez assurés que cet aspect un peu artificiel du dégenrage des adjectifs qui gratte un peu à la lecture frotte non moins à l’écriture. Notez également que vous soulevez ici une question déjà débattue en son temps, et je vous renvoie notamment à la discussion tenue ici même et à celle qui s’est ensuivie chez Bob.

    Cela énoncé, je refuse l’appellation d’amoureux du bon usage. Car l’amour rend aveugle. Noter ici une autre violation délibérée, pour l’effet de style cette fois, de la règle selon laquelle il est fautif d’entamer une phrase par une conjonction de coordination, puisqu’il n’y a rien alors à coordonner.

    Le bon usage n’a d’autre statut que celui d’un compromis qui participe du contrat de communication. Il n’est pas la totalité ni l’essence de ce contrat, seulement un élément parmi d’autres. Il répond à une exigence, celle de la clarté de la transmission du message obtenue par le truchement d’un ensemble de conventions communément admises auxquelles on confère une interprétation sémantique qu’on espère partagée.

    Le dégenrage explicite, ostentatoire même, répond à une autre exigence, celle de porter un propos politique et de forcer les lecteurtrices à interrompre leur lecture pour remettre en question des modes de leur pensée, habituellement implicites, qui découlent de la norme phallocratique et hétérosexuelle, dominante dans la société occidentale dans laquelle nous évoluons.

    Oui, je choisis à dessein de me démarquer de l’usage. Oui, ça gratte. C’est fait exprès. Maintenant, vous ne pourrez plus prétendre que vous n’avez rien vu. Tant mieux, c’était l’objectif.

  8. nico a dit :

    Thomas, ça me gène quand tu écris « (…) et de forcer le lecteur à interrompre sa lecture pour remettre en question des modes de sa pensée (…) », parce que, en disant « le lecteur », tu omets de parler des éventuelles lectrices, et je trouve ça assez phallocrate de ta part.

    Tout ça me donne envie de revoir ce bon vieux film des Monty Python.

  9. Thomas a dit :

    La remarque de Nico est pertinente, et j’ajuste ma rédaction a posteriori. Cela dit, je pense qu’il est bien plus nécessaire d’interpeller les lecteurs que les lectrices à ce sujet.

  10. groM a dit :

    « Le dégenrage explicite, ostentatoire même, répond à une autre exigence, celle de porter un propos politique »

    Je sens que je vais pas tarder à faire un billet là dessus …

  11. Thomas a dit :

    groM, cet avis tient-il lieu de faire-part de naissance de ton blog ? Félicitations !

  12. Melie a dit :

    Cette discussion me rappelle étrangement un débat absolument passionnant chez Aurele… (http://www.piments.net/2005/06/19/retour-en-arriere/#comments)

    Hi hi 🙂

  13. groM a dit :

    Oui, merci 🙂 je vous présente Bloghorrée, le blog le moins fun du Net !

  14. Justine Miso. a dit :

    Thomas… Continue des folies de genre… tu as des admiratrices 🙂

    J’M. Fidèle admiratrice… Surtout quand tu enfreins les règles.

    PS: on peut enfreindre les règles, seulement lorsqu’on les connait.

  15. Phil-Tof a dit :

    que dire sinon que c’est divin ! encore encore

Laisser un commentaire