Nous sommes ici par la volonté du peuple

La Nation souveraine s’est exprimée. Elle a refusé d’approuver le projet de loi autorisant la ratification du Traité établissant une constitution pour l’Europe.

Je suis triste, déçu. Amer. Je ne veux pas revenir sur les raisons pour lesquelles je suis convaincu que ce traité aurait été un bon texte pour l’Europe et pour les européens. Je suis las d’être taxé de cécité ou de sottise par ceux qui brandissent la concurrence libre et non faussée comme un symbole du Mal absolu. Las d’être moqué dans les repas de famille parce que je pense qu’il est illusoire de graver dans le marbre qu’il sera garanti un emploi salarié à tous les travailleurs. Blessé un peu, parce que – ceux qui me connaissent le savent bien – j’ai un peu d’orgueil et d’amour propre, et qu’on m’explique d’un air suffisant et entendu qu’un parlement qui a le droit de voter la loi et de censurer l’exécutif, ce n’est pas un organe démocratique. Fatigué de devoir me justifier du fait que je suis déçu de ce résultat.

Non, le temps n’est plus au débat, puisque nous avons choisi. Nous sommes seuls face à nous-mêmes, seuls face à nos partenaires qui ont déjà ratifié le traité.

Il serait de mauvais goût d’évoquer pour le moment un nouveau vote.

a dit hier soir Jean-Claude Juncker, parce qu’en effet on ne peut faire l’injure au peuple français de ne pas prendre en considération l’expression de sa volonté souveraine.

Il serait de mauvais goût tout autant de renégocier. Ce serait pareillement faire injure aux parlements nationaux qui ont déjà voté favorablement sur ce texte. Ce serait faire injure à l’expression démocratique du peuple espagnol. Ce serait faire preuve d’une arrogance que rien ne légitime.

Alors, nous sommes face à nos responsabilités. Nous français, ne pouvons nous dédouaner de cela. Il est facile de dire que le résultat du référendum, c’est « la faute du texte, illisible, trop complexe, fourre-tout ». J’ai entendu cela d’un ami peu enclin à voter « oui », qui en fin de compte a je crois voté nul. C’est facile, de dire cela, mais c’est irresponsable, et lorsque, citoyen, on est appelé à délibérer sur la vie de la cité, l’irresponsabilité, c’est inacceptable.

Non, on ne peut pas, on ne doit pas prétendre que « c’est la faute du texte », que c’est la faute du président Giscard, de la Convention, ou des « élites » qui nous gouvernent. D’abord parce qu’attacher une notion de « faute » à ce résultat serait admettre que les français ont mal agi en votant « non » massivement, et que cela méconnaît la souveraineté du peuple. Ensuite parce que c’est justement le peuple qui a choisi, qui s’est exprimé par les urnes. Il est donc seul responsable, seul comptable de ce choix-là devant la collectivité tout entière.

Nous français avons choisi de demeurer dans le cadre du traité de Nice, nous avons refusé d’inscrire aux côtés de ce texte économique le projet d’une Europe sociale, d’une Europe citoyenne, d’une Europe humaniste enfin. Nous n’avons rien à proposer à la place. Le statu quo n’est pas une option, ceux qui ne voulaient pas de cette Constitution l’ont affirmé clairement.

Des heures sombres et tourmentées se préparent. Nous sommes au pied du mur que nous avons nous-mêmes construit. Allez dire à ceux qui vous envoient que nous y sommes par la volonté du peuple.

10 réponses à “Nous sommes ici par la volonté du peuple”

  1. Dr. Jekyll a dit :

    Je ne comprends pas

    Plusieurs de mes amis déplorent, parfois avec beaucoup d’amertume, la victoire du non lors du référendum de dimanche. Supposons qu’ils aient eu à se prononcer sur le traité de Nice, qui s’appliquera à la place du traité constitutionnel, qu’auraient-ils…

  2. µ a dit :

    Je ne sais même plus quelle est l’url de « au passage » mais j’ai fait un texte amer aussi au passage… ET pourtant, vraiment, j’étais pas convaincue par le « oui »…

    Aujourd’hui, j’ai discuté avec 5 de mes élèves (j’ai quelques majeurs en seconde) à qui je refusais de dire pour qui j’ai voté ils m’ont dit, unanimement « oh, c’est dommage, on n’a pas pensé »… Et à quoi n’avaient-ils pas pensé je vous le donne en mille? à l’Europe..

    Quelques verbatim pour bien comprendre

    • Les médias ils nous manipulaient alors on a voulu montrer qu’on était libre; tous les jeunes ont fait comme nous
    • Si on avait pensé [à l’Europe], on aurait fait autrement
    • mais les polonais nous auraient pris notre boulot
    • y’a trop de chômage en France
    • J’aime pas Chirac
    • On nous a rien expliqué
    • Ils parlaient que du « oui » (qui personnellement me parait contradictoire avec la phrase d’avant mais bon) alors on s’est méfié

    Moi aussi je trouve que notre président cumule les âneries, mais je leur ai fait remarquer à tout ces petits immigrés de première ou deuxième génération que le sens de l’hospitalité, la solidarité, ça pouvait être une valeur à défendre pour les Polonais comme pour les maghrébins (et plutôt en cherchant à s’améliorer…).

    Ce matin, ils étaient tous super stressés, ils ont peur que Sarko passe premier ministre et qu’ils soient renvoyés chez eux.

    µ

    Le texte de µ : J’ai mal à l’Europe. — Th.

  3. Pierre a dit :

    Eh oui, µ. Je ne sais pas si on a touché le fond du fond, mais ce n’est pas vers le haut qu’on se dirige. J’ai entendu chez des proches qui n’ont rien à voir avec le FN le même genre d’argument que ceux que tu cites ; et aujourd’hui j’entends moi aussi « zut, j’ai voté non alors que j’étais sûr que le oui allait passer » ou bien « j’étais sûr que les sondages étaient truqués pour faire passer le oui » (2 personnes).

    Un article qui vaut la peine d’être diffusé : http://www.liberation.fr/page.php?Article=300320

    Un extrait : Ainsi, 49 % des personnes interrogées approuvent l’affirmation selon laquelle «il y a trop d’étrangers en France».

    Attac France n’a pas été le dernier à souffler sur les braises xénophobes du 21 avril : http://www.france.attac.org/a4262/

    Dire que certains ont taxé d’arrogance et de mépris les partisans du oui qui avertissaient contre le danger xénophobe…

  4. nezumi a dit :

    comme d’habitude la peur-immobilisme l’a emporté …

  5. Thomas a dit :

    L’immobilisme, pas sûr. Je ne pense pas que beaucoup d’électeurs ayant voté « non » l’aient fait par préférence pour le traité de Nice. Il paraît clair, en revanche, que la peur a été un moteur majeur de ce scrutin.

    Peur pour soi. Peur de l’avenir. Peur de l’autre. Et ça, c’est dangereux.

  6. nezumi a dit :

    ce que j’entendais par là c’est quand on a peur on freeze tout y compris sa pensée intelligente c’est de cet immobilité dont je parlais

  7. Pierre a dit :

    « il faut mettre un frein à l’immobilisme » 🙂

  8. groM a dit :

    Un taux de chômage élevé, une crise économique, des extrêmes forts (-droite comme -gauche), des partis modérés laminés, ça vous rappelle rien ? Il manque plus qu’on s’en prenne aux juifs en disant que c’est leur faute … Non, les juifs peut-être pas, mais les étranger sans doute: suivant une étude récente, 49% des français estiment « qu’il y a trop d’étranger en France ».

    Mais je dois être parano.

  9. Pierre a dit :

    groM, on peut compléter ta liste : argumentation populiste et manichéenne « riches ouistes contre pauvres nonistes », « élites ouistes contre France d’en bas noniste », médias et « élites » explicitement accusés de propagande… et j’en passe. Ce n’est pas nouveau mais ce qui fait vraiment froid dans le dos, c’est que cette mayonnaise indigeste a très bien pris, même… chez des gens qui font précisément partie des supposées « élites » (comme disait quelqu’un a la télévision hier soir, on ne me fera pas croire que le pays comporte 45 % d’« élites »).

    Le Monde daté du 2 juin 2005 présente une analyse comparant le oui Maastricht au non TECE et montre que la bascule ne s’explique pas tant par le chômage (bien qu’il y ait corrélation entre le vote non et celui-ci), que par le changement de vote des classes moyennes du public (peur pour leur statut, très probablement). Cette étude se fonde sur ce document.

  10. Un soir de pluie et de vent a dit :

    L’ingénieur et la versaillaise

    Mardi soir, c’est le soir où les étudiants de l’École font venir leurs copines versaillaises pour danser le rock dans une salle surchauffée du foyer des élèves. C’est aussi le soir où j’y descends boire une petite bière après la répétition de la…

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